10/06/2018

Sleight of Hand

While I'm not the exclusive GAD reader that some people think me to be, the period is certainly the one that interests me more in scholarly terms: I never tire of examining, dissecting and questioning it, never to come up with conclusive answers and that's what makes the game so addictive.

My latest outburst was on the Facebook Golden Age group, prompted by a seemingly innocent question I asked to other members: Is E.C. Bentley an early or GAD mystery writer? There are solid arguments for both positions but a strong consensus emerged that Bentley, having been a decisive influence on the period and having written the major part of his output during it, indeed belonged to the Golden Age. The can of worms had been opened however and the discussion turned to one of the group's most enduring debates: When did GAD begin and what sets it apart from the previous, "early", period? Italian critic Igor Longo and I gave the canonic answer that Golden Age began or at least took wings when the genre started to focus on misdirection rather than demonstration and when the solution became as important as the detective. To which Scott K. Ratner objected that the line was not so easy to draw as stories that fulfill these requirements were written before the official beginning of the Golden Age.

He is right.

Misdirection didn't suddenly appear with Agatha Christie and al. It has been part and parcel of the genre from the beginning. Poe uses it in The Murders in the Rue Morgue when he uses the testimonies of the neighbours to imply the murderer is a foreigner. Gaboriau was aware of it too, even saying that it was all the crime writer's job was about - the first part of The Mystery of Orcival is a textbook exercise in leading the reader down the wrong path. Another notable pre-GAD display of misdirection is Richard Harding Davis's episodic novel In the Fog which may be the earliest example of fiction exclusively aimed at fooling readers. 

Shockingly brilliant solutions are not a GAD novelty either. When reading early detective fiction we often do so with our modern, jaded eyes, forgetting how the stories were received at the time. The solutions to The Murders in the Rue Morgue or most Sherlock Holmes stories don't impress us anymore, but they were certainly as much of a shock to readers of the time than the final revelation of Roger Ackroyd was decades later. Why then are we making a difference, drawing a line? Well, first because the best GAD solutions still have the power to amaze - but most importantly because they're not the exception but the rule, or at least the expected rule. Early mystery writers sometimes came up with stunning, clever solutions but it wasn't the point of their craft. The point was to amaze the reader, not to bamboozle them. The detective story to them was about logic, whereas their successors would make it about magic. 

If you find this explanation insufficient or frustrating, well, you're not the only one - it's judging works by the intent rather than the result, which is always a mistake when it comes to art. It leaves some questions open, most notably that of what to do with GA-style mysteries written before the Golden Age. Is, say, The Big Bow Mystery an accident, a precursor or a full-fledged member of the family? Did Golden Age begin earlier than usually admitted? And, while we're at it, when did it end? A can of worms indeed. 

05/06/2018

Faire à nouveau connaissance

Six ans après sa première parution aux Editions du Septentrion, Le Coeur et la Raison (Gaudy Night en V.O.) de Dorothy L. Sayers sort ENFIN en poche, dans la collection Libretto de Phébus. Cette plus grande visibilité lui permettra peut-être de trouver le public dont le caractère confidentiel de son éditeur d'origine l'avait privé et qu'il mérite amplement: c'est tout simplement l'un des grands livres de son auteure et l'un des sommets du roman policier anglo-saxon de l'entre-deux-guerres. 

Pourquoi alors a-t-il fallu près d'un siècle pour qu'il nous parvienne enfin? Eh bien, c'est que les relations entre la mère de Lord Peter Wimsey et l'édition française ont toujours été extrêmement compliquées. Alors que sa consoeur, rivale et néanmoins amie Agatha Christie trouva d'emblée l'éditeur qui devait la suivre pendant toute sa carrière et au delà, Sayers a été brinquebalée de collection en collection, ce qui rend difficile la constitution d'une "clientèle". Elle fut aussi souvent traduite n'importe comment, ce qui est déjà préjudiciable en temps normal mais l'est encore plus pour un auteur aux prétentions littéraires de plus en plus affirmées au fil de son oeuvre. C'est d'ailleurs peut-être ce dernier point qui fournit la clé de la réception difficile de Sayers dans notre pays. 

A une époque où le detective novel était largement vu comme un divertissement sans plus d'enjeu ni d'intérêt qu'une grille de mots croisés, Sayers chercha à lui donner une envergure littéraire dont elle l'estimait trop rarement pourvu. Ses romans, d'abord relativement orthodoxes, prirent progressivement une plus grande ampleur romanesque, culminant avec le cycle consacré aux amours de Lord Peter et de l'écrivaine Harriet Vane où l'intrigue policière passe au second plan au profit des véritables centres d'intérêts de Sayers, à savoir la psychologie, l'étude de moeurs et les relations entre les sexes. Le Coeur et la Raison est le point culminant de ce quatuor et sans doute l'oeuvre la plus personnelle et la plus radicale de son auteure: non seulement aucun meurtre n'est commis, mais l'essentiel du livre est consacré à de longues discussions sur la place des femmes dans la société et l'éducation comme facteur d'émancipation. Tout cela pour dire que le puriste ou le lecteur en quête de divertissement facile n'y trouvera pas son compte. Le livre est également très long, beaucoup plus en tout cas que ses prédécesseurs. On ne s'étonnera donc pas que le cycle Harriet Vane n'ait intéressé que très tardivement les éditeurs français; ses priorités n'étaient pas les leurs - et ne le sont toujours pas, semble-t-il, puisque les seuls romans continuellement réédités sont ceux antérieurs à la "conversion" de Sayers à la "littérature sérieuse". A tel point que la seule édition française - tronquée - de The Nine Tailors (Les Neuf tailleurs en VF) son autre chef-d'oeuvre, atteint désormais des prix astronomiques sur le marché de l'occasion. 

Tout cela est infiniment regrettable d'une part parce que le lecteur français se voit privé d'un auteur majeur, mais surtout parce qu'il est impossible de comprendre le roman policier anglo-saxon, et surtout anglais, sans connaître l'oeuvre de Sayers. Même si elle n'a jamais atteint les tirages d'Agatha Christie, elle a exercé sur ses confrères et successeurs une influence au moins aussi grande, et peut-être encore plus importante. La liste des auteurs, et surtout auteures, qui se revendiquent de son oeuvre est impressionnante, et dépasse les limites du seul roman d'énigme. P.D. James et Sara Paretsky n'ont a priori pas grand-chose de commun, mais sont toutes deux de grandes admiratrices de DLS comme l'appellent ses fans. En outre Sayers fut toute sa vie une grande francophile qui lisait, écrivait et parlait notre langue couramment et serait probablement fort attristée de se voir à ce point ignorée chez nous. Enfin, il y a Lord Peter qui mérite à lui seul la lecture des romans et nouvelles (Sayers fut une remarquable nouvelliste) où il apparaît. Rarement un détective aura à ce point existé pour le lecteur alors même qu'il est pour l'essentiel une création de fantaisie. Il faut revisiter Sayers et, qui sait, peut-être les éditeurs reviendront-ils sur leurs préjugés; il y a largement de la place pour une autre Reine du Crime dans le Panthéon. 

Archives du blog