14/05/2018

Noël, Noël!



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Je finis à l'instant ou presque "La Fuite des morts" de Vindry et que dire d'autre sinon que c'est un chef-d'oeuvre absolu. J'avais été déçu par mes deux dernières rencontres avec le juge Allou, mais Vindry retrouve ici les sommets de "La Bête hurlante" quoique dans un registre tout à fait différent.
Point de crime impossible ici, ni d'évocation du surnaturel, mais un problème extrêmement intriguant que l'on peut résumer par cette formule: "Un cadavre, deux coupables" - dont l'un est mort. Tout autre auteur s'en tiendrait à cette seule énigme, mais Vindry y ajoute toute une série de rebondissements et de points d'interrogation supplémentaires tournant entre autres autour d'un testament volé, d'un autre retrouvé et d'un corbeau bien complaisant.
Autant l'avouer: il faut s'accrocher pour ne pas perdre le fil et on se demande jusqu'au bout comment Vindry va retomber sur ses pieds. Vaine inquiétude, car il y arrive et plus que bien! Le point fort du livre, plus que la solution, est cependant que l'on ne s'ennuie à aucun moment alors qu'il ne se passe pas grand-chose selon les critères de nos polars actuels ultra-trépidants: on parle beaucoup, on raisonne énormément, on bâtit des hypothèses (des "systèmes") que l'on écarte ensuite... et c'est passionnant. A lire donc... si vous arrivez à le trouver, faute de quoi vous pouvez toujours signer la pétition que j'ai lancée pour la réédition de ses oeuvres. 
P.S.: Ayant ainsi vanté le livre, j'aimerais y ajouter quelques réflexions en vrac sur l'auteur, que je pense bien connaître désormais dans sa grandeur et ses défauts:
1°) Vindry est souvent présenté comme l'équivalent français de John Dickson Carr ou de Ellery Queen. C'est à la fois inexact et réducteur. Inexact, car son style et son approche sont très différents des leurs, voire diamétralement opposés. Carr et Queen sont des baroques qui accordent plus d'importance au bon sens pour le premier ou à l'intuition pour le second qu'à la logique formelle. Vindry, par contraste, est un réaliste et un logicien. Même si ses scénarios ne sont pas plus vraisemblables à l'examen que ceux des deux Américains, ils se distinguent par leur souci de réalisme dans l'évocation du milieu et de la procédure policière et légale; ils sont également bâtis selon une logique scrupuleuse qui se retrouve dans les raisonnements du juge Allou. S'il faut absolument chercher des équivalences anglo-saxonnes, alors il faut plutôt aller du côté des deux Freeman - R. Austin et Crofts - auxquels Vindry fait beaucoup songer par son "réalisme" donc, mais aussi par son refus du spectaculaire et le rythme très "étale" de ses livres. C'est l'anti-Pierre Véry. 
2°) La condamnation de Boileau-Narcejac - enfin, plutôt de Narcejac, puisque c'était lui le théoricien du duo - ne tient pas à la lecture approfondie des livres de Vindry, même si certains y prêtent le flanc. On sait que le tandem reprochait à Vindry de tout sacrifier à l'intrigue, style et psychologie compris, avec pour résultat que ses romans cessaient d'en être. Outre que la conception que se faisait Narcejac du roman est très traditionnelle, voire académique, il est tout simplement faux que Vindry ne pensait ses livres que comme des exercices de logique. Son style économe et précis évoque celui de Simenon à la même époque, et s'il n'est effectivement pas un grand psychologue, ses personnages restent au moins crédibles et ne sont pas que des fonctions - ils influencent l'intrigue autant que celle-ci les détermine, et la solution repose souvent sur le caractère et le comportement particulier de tel ou telle. C'est sur ce dernier point que Vindry tire parfois sur la corde, les excentricités de ses personnages créant des impossibilités ou des énigmes artificielles et donc décevantes à la résolution. Vindry, enfin, est capable d'humour - un humour distancié et subtil, voire franchement ironique comme dans le traitement du Juge Roland de "La Fuite".

I've just finished Noel Vindry's "La Fuite des morts" and it's, simply put, a freakin' masterpiece on a par with "The Howling Beast" though completely different. No impossible crime there or any hint of the supernatural; the problem at hand is best summarized as "One corpse, two murderers" - one of which happens to be dead too. Most mystery writers would satisfy themselves with such a teasing puzzle but Vindry is just warming up and his very complex plots also involve two wills and a very friendly poison pen among others. Busy taking notes so as to not lose the plot, the reader worries that the solution might not be up to the riddle(s). He needs not, as Vindry very neatly and elegantly ties up all the loose ends in the end. What makes the book a standout, however, is less its plot than Vindry's astonishing ability to sustain the interest despite not much actually happening by our current hectic standards: people talk, think, form hypothesises then discard them - that should be tedious but it's exciting. In short, it's a must-read - if you can read French and are able to find a copy, the latter a big "If" in Vindry's case. That's why I've launched a petition asking for the reissue of his books and you may sign it if you please.
Having now praised the book, let me share some thoughts about the writer:
1°) Despite frequent comparisons, Vindry is not the "French John Dickson Carr" - their universes and approaches are completely different, even diametrically opposed. Neither was he the local answer to Ellery Queen that the late Michel Lebrun claimed. Both Carr and Queen were baroque writers whose plots relied more on common sense (Carr) and intuition (Queen) than formal logic, whereas Vindry is a realist and a logician. His stories may ultimately be as wildly imaginative as those of his American colleagues but they differ by their emphasis on "realistic" portrayal of the milieu and legal and police procedure; also they're built with painstaking logic, as are Juge Allou's deductions. This is why if we really are to find English-speaking equivalents I'd rather suggest the two Freemans - R. Austin and Crofts - whom Vindry strongly reminds of because of his "realism" and emphasis on sound reasoning but also his refusal of the spectacular and the slow pacing of his books.
2°) Boileau-Narcejac were wrong in castigating him for being only concerned with plot and sacrificing everything else for its sake, resulting in his books "being no longer novels". Vindry could write in a dry, economical way reminiscent of Simenon and his characters while barely sketched are still at least believable and not mere cogs in the machine - they're both drivers and driven and the solution is often rooted in the characters's peculiar but psychologically consistent behaviour. (Vindry, though, sometimes goes too far by creating seeming impossibilities out of one or several characters behaving in ways that stretch credibility, with the result feeling like a cheat.) Also he could be witty, even funny on occasion, as evidenced by the ironic treatment of the Juge Roland in "La Fuite".

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Well, this sounds amazing. Alas, with no impossibility we're unlikely to get an English translation from John Pugmire...

Anonyme a dit…

Not necessarily.... and I do have the text, which is always the hardest part.

Meanwhile, I just published Vindry's TheDouble Alibi.

John Pugmire

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